Les sources hydrothermales de Thuès-Canaveilles-Nyer
Les sources chaudes de Thuès-Canaveilles-Nyer appartiennent à un réseau plus vaste de sources hydrothermales disséminées le long de la faille de la Têt. Depuis 2004, le potentiel géothermique du canton d'Olette fait l'objet d'étude de la part du BRGM dans le cadre d'une valorisation de celui-ci.
Département
Epoque
Mots clés
Bulles de résurgence dans le lit de la Têt ("Canaveilles")
La vidéo ci-dessous témoigne de cette manifestation
Localisation du site
Département : Pyrénées-Orientales Commune : THUES-NYER-CANAVEILLES Lieu dit : Groupe de la cascade-Groupe St André (Thuès les bains)- Groupe Amont et du Figuier (Canaveilles les bains-relais de l'Infante) |
Echelle Carte I.G.N. 1/25000 n°2249ET |
Carte Géologique 1/50000 |
Pour le groupe de La Cascade et Saint André
Laisser le véhicule à l'entrée du site thermal de Thuès-les-bains et emprunter le sentier qui s'élève sur la droite (sud) à la hauteur de la source St Louis. Celui-ci longe la voie ferrée du train jaune. Franchir la voie ferrée à la hauteur du torrent de Faget en passant sous le pont de chemin de fer. Le sentier poursuit à gauche de la voie. Arrivée au bout de 20 minutes aux bains sauvages.
Pour le groupe Amont et du Figuier
L'accès à l'ancien établissement thermal de Canaveilles-les-bains (relais de l'Infante) est aujourd'hui condamné. L'ancienne route éboulée est sur la gauche 50 m avant le Tunnel (en venant de Prades) qui surplombe le défilé des Graus. Pour se rendre à la source du Figuier, laisser le véhicule sur le parking aménagé dans la courbe du virage à hauteur de l'embranchement menant à Canaveilles. Emprunter la chemin qui descend vers la rivière la Têt pendant une vingtaine de minutes.
Activités envisageables
Objectif :
Les sources chaudes de la vallée de la Têt proviennent toutes d'eau météoriques réchauffées en profondeur et traduisent le potentiel géothermique du secteur.
Leur étude permet non seulement de corréler leur résurgence à un contexte géologique local en lien avec l'histoire géologique récente des Pyrénées mais aussi d'appréhender les conditions de peuplement en milieu extrême (filaments de bagérine).
Matériel :
Carnet de notes, appareil photo numérique (en vue d'un compte rendu numérique), conductimètres, thermomètres, pH-mètres, crayon et matériel à dessin, flacons de prélèvement, étiquettes...
Pistes d'exploitation pédagogique :
Réalisation d'un schéma structural de la zone étudiée
Mesure de conductivité, de température et de pH
Interprétation
Les grandes lignes du contexte géologique.
L'origine des sources hydrothermales s'inscrit dans l'histoire géologique des Pyrénées et plus précisément dans celles des Pyrénées Orientales. L'héritage hercynien de la chaine a conduit à de nombreuses déformations qui se manifestent par de grands chevauchements juxtaposant la couverture sédimentaire Paléozoïque sur le dôme gneissique du Canigou et de La Carança. Le Chevauchement Mylonitique Nord Canigou (CMNC) est l'un d'eux. C'est une faille ductile constituée de mylonites épaisses (>200 m) bordant le dôme Canigou-Carança, et recoupé par la faille de la Têt. [Guitard et al., 1998, 1992]. Nombreuses seront celles qui seront réactivées à l'Eocène lors de la formation des Pyrénées à l'occasion de la convergence et de la subduction de la plaque Ibérique sous la plaque Européenne. Plus tard, au Néogène, deux grands groupes de failles vont structurer la géologie des Pyrénées Orientales :
- les failles NE-SW associées à deux phases d'extensions dont la plus emblématique correspond à la phase d'ouverture du Golfe du Lion de l'Oligocène supérieur au Miocène inférieur permettant la mise en place de systèmes de horst et grabbens, dont les failles de la Têt et du Tech [Tassone et al., 1994; Roca and Desegaulx, 1992; Maurel, 2003; Delcaillau et al., 2004; Maurel et al., 2008]. Les rejets, estimés à environs 2000 m, permettent alors la surrection des massifs des Albères et du Canigou, dont le paroxisme est estimé à 26-27 Ma [Maurel, 2003]. C'est le long de ces failles et tout particulièrement la faille de la Têt (Figure 1) que les sources hydrothermales sont localisées.
Fig.1 — la vallée de la Têt et ses sources hydrothermales (L) Llo, (St) Saint-Thomas-les-bains/Prats-Balaguer, (Th) Thues-les-bains/Nyer, (V) Vernet-les-bains/Sahorre. D’autres sources hydrothermales s’alignent sur des failles dans la région : (D) Dorres-Les Escaldes, (M) Molitg-les-bains, (LP) La Preste, (AM) Amélie-les-bains, (B) Le Boulou.
- un groupe de failles NW-SE, mal documentées et peu interprétées en Catalogne nord (si ce n'est pour l'Hercynien et qui auraient rejoué en régime normal dès le Miocène moyen) mais pouvant être en lien avec les failles listriques qui structurent le bassin de l'Emporda en Catalogne sud.
Les sources hydrothermales.
Les sources hydrothermales sont légions à l'échelle des Pyrénées (Figure 2). Toutefois la plus grande concentration de sources et les plus hautes températures sont observées en bordure orientale de la chaine. Ces sources s'alignent le long des vallées de la Têt et du Tech, correspondant à deux failles normales Oligo-miocène appartenant au système de failles normales recensées en mer et dans le Roussillon [Séranne,1999 ; Mauffret et al., 2001] ayant présidé à l'ouverture du Golfe du Lion.
Fig.2 — Schéma structural de la chaîne des Pyrénées localisant l'emplacement des sources hydrothermales.
Les sources hydrothermales de la Têt constituent 4 groupes : Llo, Saint-Thomas-les-bains/Prats-Balaguer, Thues-les- bains/Nyer, Vernet-les-bains/Sahorre. Leurs températures varient entre 29°C et 73°C. Cependant, bien que des témoignages locaux attestent d'une température anciennement élevée (>15°C), la source de Sahorre est actuellement froide.
Les analyses des isotopes stables de l'eau 18O et 2H indiquent que les eaux hydrothermales sont de natures météoriques, sans mélange avec des eaux superficielles (sauf dans le cas de la Source Saint-Louis à Thuès-les-bains — lié probablement aux modalités de captage) et proviennent d'eaux qui se sont infiltrées (zone de recharge — figure 3) en moyenne à 2000 m d'altitude dans les massifs Puigmal-Canigou-Carança sur une surface que certains auteurs (Vélard, 1979) évalue à 300 km2 au minimum avec un trajet des fluides entre zone d'infiltration et source compris entre 10 et 20 km. Les temps de résidence moyens calculés à partir du 14C des eaux hydrothermales se situent entre 5 et 13 ka [Krimissa, 1995].
Fig.3 — Chemin emprunté par les eaux depuis les zones d’infiltration jusqu’aux résurgences, en passant par les réservoirs (d’après Krimissa [1995])
Ci-dessous (Figure 4), le bloc diagramme interprétatif de la cellule hydrothermale du canton d'Odette, établie en 2004 dans le cadre d'une étude conduite par le BRGM :
Fig.4 — Bloc diagramme interprétatif de la cellule hydrothermale d'Olette — P. LE STRAT, BRGM 2004
Les rapports 87Sr/86Sr et 36Cl/Cltotal communs aux différents sites le long de la faille de la Têt, tendraient à montrer que les fluides hydrothermaux migrent au travers d’une zone de roches cristallines, aux caractéristiques phyisico-chimiques semblables [Krimissa, 1995]. Ceci atteste d'une perméabilité des structures non seulement en sub-surface pour permettre l'infiltration, mais aussi qui doit persister jusqu'à la profondeur où s'acquiert l'équilibre thermique de ces eaux. Or cette perméabilité dans les roches du socle est directement contrôlée par la fracturation en lien avec l'histoire tectonique de la région et les contraintes en cours en profondeur.
L'explication des différences de température entre sources appartenant au même groupe et distantes d'une centaine de mètres et qui ne peuvent pas, d'après les rapports du Strontium et du Chlore, être liées à des contaminations par des eaux superficielles, est à rechercher à travers l'analyse géochimique des isotopes du lithium (technique développée par le BRGM depuis 2006).
En effet, le lithium est un élément lithophile, fortement soluble, dont les deux isotopes 6Li et 7Li sont présents en proportions respectives de 7,5 % et 92,5 % dans les réservoirs terrestres. Le rapport isotopique δ7 Li sert donc à tracer les interactions physico-chimiques entre l’eau et la roche [Tomascak, 2004]. Lors de ces interactions, le fluide s’enrichit en 7Li alors que le 6Li reste préférentiellement dans la roches, conduisant à des valeurs de δ7Li plus élevées dans le fluide que dans la roche avec laquelle il interagit [Huh et al., 1998]. Des études menées sur plusieurs eaux thermominérales en France ont permis d'établir que le δ7Li (‰) augmentait avec le refroidissement du fluide pendant sa remontée. ( δ7Li = -0,043T + 11,9 avec T (°C)) [Millot et Négrel, 2007].
Fig.5 — Rapport isotopique du Lithium en fonction du rapport Na/Li pour les eaux hydrothermales de la Têt. Les données des sources Colomer et Dores (Système Hydrothermal au Nord de la Cerdagne) sont indiqués pour la comparaison [Ladouche et al., 2014]. A gauche, les signatures isotopiques du Lithium du socle et des carbonates.
Ainsi, l'enrichissement manifeste du δ7Li pour les eaux hydrothermales de la Têt par rapport au système hydrothermal nord de la Cerdagne et entre les différentes sources de la Têt (Figure 5) peut s'expliquer par l'existence de drains spécifiques à chaque résurgence en sub-surface plus ou moins efficaces par rapport au drain principal où les températures sont maximales. En effet, les fluides hydrothermaux perdent une partie de leur températures lors de leur transfert à faible vitesse dans des drains secondaires moins efficaces. La similitude de signature du δ7Li avec les carbonates est en contradiction avec les rapports isotopiques du Sr et du Cl, ainsi que la faible minéralisation de ces eaux qui prouvent une interaction entre les fluides et une roche cristalline, cet enrichissement pourrait donc être secondaire et en lien avec la formation de minéraux argileux secondairement apparus (altération hydrothermale) dans les drains annexes alimentant les résurgences de basse température (Figure 6).
Fig.6 — Evolution du rapport δ7Li de l’eau depuis son état initial δ7Li en fonction des
concentrations en 7Li et 6Li durant les interactions eau-roches et lors de la précipitation de minéraux néoformés
Pour en savoir plus...
- "Interactions entre tectonique et hydrothermalisme : Rôle de la faille normale de la Têt sur la circulation hydrothermale et la distribution des sources thermales des Pyrénées Orientales" —Audrey TAILLEFER — Thèse de Doctorat (2017), Université de Montpellier II
- "L’exhumation de la Zone Axiale des Pyrénées orientales : Une approche thermo-chronologique multi-méthodes du rôle des failles" - O.MAUREL - Thèse de doctorat (2003), Université Montpellier II.
- "Valorisation de la ressource en eau chaude et développement local du Canton d' Olette (66)" — N. COUTOIS & P. LE STRAT, Juillet 2004 —BRGM/RP-53078-FR. 3.
Compléments
Résultats d'analyse de certaines eaux